Pas /sage\ piéton

Pas /sage\ Piéton

Épreuve d'inattention

Over the nudge

Tu vois le passage piéton. Il est là, sous nos yeux.
On sait qu’il est là, le passage piéton.
On le voit, ça, c’est concret.
On le traverse, c’est concret aussi.
Ils y en a même plusieurs des passages.
Comme des piétons, on sait pourquoi ils sont là.
Pour traverser, là encore, c’est concret.
Mais alors qu’est-ce qu’on ne nous dit pas.
Qu’est-ce qu’on ne voit pas sous le passage piéton.
Qu’est-ce qui s’y cache, que l’on n’envisage  pas ?
Sur le passage, piéton.
Quelle est sa part abstraite ?
N’est-ce pas ce qui s’y passe à côté ?
Les voitures forçant le passage du piéton.
Les voitures, comme véritable cause du non-passage du piéton.
Le passage piéton, ne devrait-il pas se renommer ?
Stop-voiture, serait-ce trop demander ?
Peut-on seulement penser comment traverser ?
Penser autrement, les pas-sages, s’organiser pour y penser.

L’abstrait est une part de la réalité, au même titre que le concret.

Mais on ne discute pas les plates-bandes.
On nous demande de «nous arrêter» aux pointillés.
On ne dit pas toujours ce qu’on ne nous dit pas.
L’abstraction reste vague, reste floue
Elle est masquée par elle-même.
Elle est masquée par le concret dominant.
Il nous faut voir entre les lignes
Dans les causes concrètes immatérielles
Drapées dans l’écume de la grandiloquence.
Des mots démo et des maux
On a alors du mal, à se démarquer pour y voir.
A clairement constater, sans constat sur le papier
L’autre part de la réalité.
Pour ça, il nous faudrait du temps.
Pour ça, il nous faudrait reprendre le temps.
S’organiser, s’organiser autrement.
Pour qu’on puisse toutes et tous prendre part.
Arrêter de se faire écraser au passage
Arrêter de s’écraser, et prendre notre part de responsabilité.
Être responsable de notre réalité.

Ici c’est l’aspect des bandes du passage piéton qui soutient esthétiquement mon propos. Il se pourrait que l’on y trouve une monstration de notre finitude. Par l’usure de nos pas

Je questionne ici le passage piéton comme précurseur du nudge. De la signalétique organisant la circulation et  la priorité. Quelle priorité ? Les codes couleurs s’ajoutant, symbolisant le possible, le bon moment. Alternant avec l’impossible et le danger-moment. Conçus pour « traverser en sécurité », ils délestent trop souvent l’attention et l’agilité nécessaire, camoufle l’épreuve, masque le danger, et confine à un conditionnement. Je me demande s’il n’y aurait pas, dans mon approche, une volonté de faire un lien par analogie avec le pouvoir, l’ordre établit. Lorsque ces traces seront rénovées. Voir remplacée, comme les clous d’autrefois l’ont été par ces larges bandes blanches. La rénovation – comme la restauration par ailleurs – permettra d’effacer cette vérité, d’en camoufler le sens, comme dans les expressions, « Il faut que tout change pour que rien ne change », « Le roi est mort, vive le roi », « Aux armes et cætera », etc…

De nouvelle bandes plates et sans intérêt, ou autre chose ayant la même fonction,  replaceront le piéton dans les clous du devoir. Il est parfois bon de savoir zigzaguer.

La ligne blanche une fois re-tracée, la discussion autour de l’évasion visuelle, la rêverie, qu’elle peut procurer par son esthétique de la trace du temps se fera difficile, et aussi périlleuse que de traverser en dehors de ces Pas /sages\ Piétons.

L’abstrait est une part de la réalité, qu’il nous faut appréhender concrètement.

2024
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